Lu pour vous: "L'idole"
de Serge Joncour [en poche chez "J'ai Lu", 217 pages,  140g pour 4,80 €: 34,28 €/kg ]

Il fallait bien qu'un jour ou l'autre, j'ouvre un bouquin d'un des participants de la meilleure, pour ne pas dire de la seule émission d'exercices littéraires, les "Papous dans la tête" sur France Cul; disponible en podcast:                        Un écrivain qui aime les contraintes littéraires ne peut être foncièrement mauvais et je n'ai pas eu le sentiment que Serge Joncour se soit fait mal en écrivant "L'idole".
Le thème: un homme réalise soudain qu'il est célèbre et ne comprend pas pourquoi. Et il va le rester un peu plus que 15 minutes.

L'auteur file sa quenouille  essentiellement du point de vue de la vedette. Ah! qui d'entre nous ne s'est pas une fois au moins demandé en feuilletant les magazines ce que pouvait penser une star? Quelles pensées derrière tel minois connu?
Ce qui est fascinant dans la relation à ces personnalités, c'est bien l'asymétrie, la différence de statut entre celui qui est arrivé et son admirateur.
 Tandis que le premier, s'il est encore un tant soi peu lucide, peut penser "Pourquoi moi? Qu'ai-je de plus? Les gens ne sont-ils pas fous?", la foule considèrera avoir des droits sur l'objet de son admiration. Il arrive aussi qu'on reconnaisse quelqu'un sans trop savoir pourquoi, sans se rappeler des détails, tout juste pense-t-on que cette personne doit être importante; difficile de réprimer ses intincts de midinette et de ne pas tomber en admiration. On connaît la photo de Sartre sur le Pont des Arts et on l'admire, mais qui a pris le temps de lire "L'être et le néant"?
Une relation bien fragile où l'amour semble ne pas avoir de place.
Comme le chantait Johnny:
Si les gens pouvaient savoir dans la vie
Combien tout seul je suis

Somme toute un petit livre divertissant et cohérent, vite lu. Il gagnerait à être encore plus court pour que l'amusement ne soit pas un peu forcé à l'occasion.
Trop de mots? Ach! L'artiste va être scandalisé par cette interrogation!

Quelques compléments:
la page Wikipédia sur Serge Joncour (le nom de rue, c'est pour plus tard)
De nombreuses vidéos (interviews) accessibles, notamment sur DailyMotion

  
                    

Victor le Terrible interviewé (2005)

Je suis tombé sur une interview de Kortchnoi faite en 2005 par Axel Jomeyer et me suis dit qu'une petite traduction pourrait s'avérer intéressante pour ceux qui ne parlent pas allemand.

Déjà sous-titrée [pour des raisons de droits, la traduction doit être regardée directement sur Youtube]:

La quatrième partie de l'interview


Quelques précisions sur la 4ème partie de l'interview:

(1) Korchnoi mentionne la Chine arrivant seconde d'une compétition en 2005.
Il s'agit du championnat du monde d'échecs par équipe qui eut lieu à Beer-Sheva, en Israël, où la Chine se classa seconde. On peut noter que les joueurs chinois continuent à se distinguer puisqu'ils ont récemment remporté leur septième compétition par équipe contre la Russie qui n'a certes pas aligné ses meilleurs joueurs.

(2) On trouve beaucoup de commentaires sur internet concernant la partie par correspondance de 1985 entre le gmi Maroczy, alors mort depuis longtemps, et Kortchnoi. Il faut dire qu'elle dura 7 ans et 8 mois, ce qui laisse le temps d'en parler, même hors circonstances particulières. Ci-dessous, vous aurez déjà la possibilité de la rejouer

réalisé avec pgn4web

Si vous préférez regarder la partie dans votre programme favori, vous pouvez  télécharger le fichier pgn de chessgames.com , une excellente base de données en ligne.

En complément, une pub où l'on voit que certains habitants de la Suisse ne sont pas si gentils que l'on pourrait croire avec Kortchnoi:



Derrière cet air bonasse se cache une grande stratège. Vous reprendrez bien un verre de lait?
"Je n'analyse pas les blitz"

Certains ajoutent: "même pas ceux de Kasparov".
Ces parties ne seraient pas dignes d'intérêt, le perdant y étant vraiment celui qui commet la dernière erreur. C'est à mon sens du snobisme de ne pas se pencher sur ces parties, même s'il est parfois désespérant de voir comment l'évaluation de la position peut fluctuer après chaque coup, un peu comme dans les parties de débutants.
Nous n'analysons jamais tout, car le temps nous est généralement compté. C'est pourquoi nous nous arrêtons sur les positions que nous jugeons critiques dans nos parties.  Commençons donc par regarder quelques positions: 

1. Trait aux blancs
Les noirs viennent de jouer ...gxf5? Dans cette position, les blancs ont raté une excellente opportunité de raccourcir les débats. Ce motif revient sans cesse dans les parties, à tous les niveaux, celui qui réalise qu'il a manqué une telle opportunité a de bonnes chances de s'en rappeler.

2. Trait aux blancs
L'ouverture n'est pas totalement achevée, mais déjà les noirs sont tombés dans un vieux piège auquel Yusupov lui-même succomba [Linares 1992 contre Illescas], comme le mentionne Nigel Davies dans la vidéo ci-dessous:

Si le joueur qui a les noirs pense que ce genre de manoeuvre (sacrifice du fou en c4 ou b5 suivi de la folle cavalcade d6-f7-h8) est juste une "arnaque" qui ne mérite pas d'être répertoriée, il aura manifestement tort. Et aura encore le même air dubitatif lorsqu'on l'y reprendra.

 3 .Trait aux noirs
Le blitzeur jouera spontanément Fxh3, mais cette position n'est-elle pas intéressante en soi? L'intuition nous dit que cela doit marcher, mais quand on a le temps, n'est-ce pas un bon entraînement de vérifier la correction de l'attaque?


4. Trait aux noirs
Dans cette position, les Noirs jouèrent Fd6 . Mais n'avaient-ils pas mieux? L'ordinateur suggère instantanément un autre coup. Que faut-il en penser? L'analyse s'avère également intéressante quand on a plus que 3 minutes à la pendule pour se décider.

Ces positions étaient évidemment toutes issues de blitz.
Tout le monde n'a pas l'occasion de jouer des parties longues chaque semaine et un rapide survol de ses propres blitz pourra toujours aider à s'améliorer. Si vous jouez sur internet, sur fics par exemple, faites-vous envoyer les parties au format pgn, cela vous permettra de les survoler à l'aide d'un programme d'analyse.
La question est bien moins "faut-il analyser les parties rapides?" que "quelle dose de blitz est acceptable pour un joueur qui veut progresser?"
Musiques vagabondes (1)

De nombreuses mélodies nous accompagnent depuis longtemps, parfois plus longtemps qu'on ne penserait. Le plagiat est un de ces mots qui vous laissent pantois. Si quelqu'un a recopié un air, on peut bien sûr le montrer d'un doigt accusateur. Mais il est bien plus intéressant d'établir une généalogie de ces enthousiasmes.

Aujourd'hui, c'est la chanson "J'attendrai" qui m'intéresse. Il en existe de multiples versions dans les langues les plus variées.

Mais comme il faut bien fixer une origine, on fait en général référence au choeur à bouche fermée de "Madame Butterfly", opéra créé à la Scala de Milan en 1904 dont voici une interprétation par le choeur et l'orchestre des arènes de Vérone:



En 1936, cet air inspira le compositeur et chef d'orchestre Dino Olivieri, sur un texte de Nino Rastelli. La chanteuse Miriam Ferretti assura le succès de "Tornerai":



Non ti ricordi quella canzon, piena d'amore e di passion,
che dolcemente ci avvinse un dì,
e che per sempre ci unì?
Or che lontano tu sei da me,
mentre la guerra echeggia in ciel,
con un tremor io canto ancor,
Tornerai da me,
perchè in ciel sta scritto che tornerai,
tu lo sai io son forte così,
perchè credo in te,
tu lo sai,
mentre vai e vai,
chiudi gli occhi un istante,
e allora udrai la canzon del mio cuor,
tornerai.
Io non so bene dove sei tu,
solo PM e nulla più,
ma non temere amor perchè,
io son sempre con te.
Quando la notte riposi amor,
pieno di gelo o di sudor,
il tuo respir è il mio respir.
Mentre vai e vai,
chiudi gli occhi un istante, e allora udrai
la canzon del mio cuor,
tornerai


Une première version française, "Soirs d'amour", chantée par Jean Sablon est aujourd'hui oubliée. 
Deux après "Tornerai", Rina Ketty, française d'origine italienne, rendit la chanson célèbre en France. Jean Sablon reprit également cette nouvelle version. Le titre reste indissolublement associé à cette période, peut-être en raison de la longue guerre qui suivit.



Il est maintenant impossible de dresser une liste exhaustive de toutes les versions de cette chanson dans de multiples langues.

Voici la version du Hot Club de France de 1939:



Et enfin une version allemande de 1940, "Komm zurück" [Reviens], interprétée par Rudi Schuricke:



Avec les paroles:
Du sprichst vom Abschied, für kurze Zeit,
und bist schon morgen, von mir so weit.
Was sind schon Worte, im Augenblick,
was ein versprochenes Glück?

Weil ich Dich liebe, glaub ich an Dich,
doch will s das Schicksal, vergisst Du mich.
Das darf nicht sein, tausendmal: nein!

Komm zurück, ich warte auf Dich,
denn Du bist für mich, all mein Glück.
Komm zurück, ruft mein Herz immerzu,
nun erfülle Du, mein Geschick.
Ist der Weg auch weit,
führt er Dich und auch mich, in die Seeligkeit,
darum bitt ich Dich heut: komm zurück.

Es gibt nicht Schöneres, als Glück zu zwein,
und die Gewissheit, geliebt zu sein.
Schon der Gedanke, wenn Du mich küsst,
dass Du wie ich, glücklich bist.

Den einen Menschen, auf dieser Welt,
der nur für Dich lebt, der zu Dir hält,
hast Du in mir, drum sag ich Dir:

Darum bitt ich Dich heut, komm zurück!


Il m'aurait fallu bien sûr encore citer entre autres Tino Rossi, Dalida, Bing Crosby, Sinatra... Mais je suis certain que si la curiosité vous guide, vous trouverez sans trop de difficultés l'occasion d'écouter ces multiples versions.

Quelques pistes pour en savoir plus:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rina_Ketty
http://chanson.udenap.org/50_chansons/41_j_attendrai.htm